Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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27 et 28 avril 2019.
Rien de tel qu’un quartet gospel pour commencer la journée. Inconnus de mes services mais légendaires ici, les Legendary Rocks of Harmony totalisent plusieurs centaines d’années à eux tous (le bassiste est par exemple un fier octogénaire). Sur scène ou au pied de celle-ci, un père et son fils assurent le spectacle et nous comblent de joie sanctifiée. Un autre de ces groupes traditionnels et masculins sera programmé plus tard dans l’après-midi (Sherman Washington’s Zion Harmonizers). Tant mieux. J’avoue que je les préfère aux multiples chorales contemporaines qui se révèlent souvent assourdissantes (Ricky Dillard & New G).
À deux pas de la tente gospel, l’espace blues s’enflamme à l’écoute du bouillant Mr. Sipp et de son étonnante version de Smokestack lightnin’. Spectaculaire. En revanche, pour entendre une musique plus intéressante et, pour tout dire, plus inspirée, on a bien fait de s’intéresser à Erica Falls, séduisante et talentueuse chanteuse installée ici (excellent soutien de June Yamagishi, attachant guitariste de la Crescent City). À suivre. Bravo aussi à Gregory Porter qui, sous la tente jazz et devant un public fervent, m’a pleinement convaincu. Quand un succès ne semble pas usurpé, il faut le dire. Vivement le prochain album. Et demain, c’est déjà dimanche.
Très grosse journée. À 12h20, Walter Wolfman Washington semble en pilotage automatique au milieu de ses excellents Roadmasters. Heureusment, Erica Falls fait une apparition et réveille le leader. On aurait aimé hurler de plaisir, mais on reste sur notre faim. En revanche, Irma Thomas ne semble pas prête à céder sa couronne de Soul Queen of New Orleans. Quel orchestre (quatre cuivres et un percussionniste notamment) ! Quelle classe ! Quel répertoire ! À la fin de Time is on my side, Miss Thomas commence par souhaiter un bon rétablissement à Mick Jagger (avant que le Britannique ne soit opéré en urgence, les Rolling Stones devaient être la tête d’affiche de ce 50e anniversaire) ; mais elle s’empresse d’ajouter que la chanson a d’abord été un tube pour elle au début des années soixante ! Elle a raison : il faut rendre à La Nouvelle-Orléans ce qui lui revient de droit.
À 15 heures, vite, vite : il faut filer sous la tente gospel : la venue du Rance Allen Group est un événement. Malgré le temps qui passe, l’extraordinaire chanteur de Toledo, Ohio semble en bonne forme. Entouré de ses deux frères discrets, il fait l’impasse sur son vieux répertoire Stax, mais n’a aucun mal à nous régaler avec ses classiques plus contemporains. Le septuagénaire multi-récompensé déborde d’énergie mais, au bout de trois quarts d’heure de show, il tombe de tout son poids sur le sol de la scène. Grosse inquiétude. Mais l’homme peut compter sur l’aide du Seigneur : le voilà qui s’assoie sur une chaise et raconte que depuis six mois, il est victime de vertiges. Qu’à cela ne tienne, rien ne peut l’empêcher de conclure sur son grand tube, Something about the name in Jesus. Le lendemain matin, on le reverra, visiblement remis de sa chute, dans une église baptiste de la ville. Devant une assistance fervente mais un peu clairsemée, il n’aura aucun mal à nous convaincre qu’il est bien l’un des meilleurs chanteurs de gospel vivants.
D’une vedette à d’autres : les O’Jays viennent de sortir un nouvel album et ils sont là, Eddie Levert et Walter Williams, sur la scène ensoleillée de Congo square. La foule est en liesse, les tubes s’enchaînent et les paroles sont sur les lèvres de beaucoup d’entre nous. Comment ne pas s’enthousiasmer à l’écoute de Love train et autres Back stabbers ? Cabot, Levert joue de sa grosse voix pour amuser le public ; le spectacle est de haute qualité et on a du mal à comprendre pourquoi un tel groupe n’a pas eu davantage de succès en France.
17h30 : Sir Van Morrison ou Al Green, il faut choisir. Ou pas. Ce sera entrée et dessert. Un peu de Van the Man pour commencer (malheureusement insensible à sa présence à NOLA) et beaucoup d’Al Green. L’ancien héros de la soul de Memphis a beaucoup grossi et sa voix a beaucoup perdu de sa superbe. Reste son implication, sincère et touchante. Et ses chansons qui, là aussi, rappellent mille souvenirs à chacun. I’m still in love with you, I’m so tired of being alone ou encore Let’s get together, par leur créateur, même diminué, qui dit mieux ? Ah, si : Love and happiness. Vivement jeudi prochain.
Texte : Julien Crué
Photos © Frédéric Ragot