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Brèves / 11.01.2016

Otis Clay, 1942-2016

Quelques mois à peine après avoir chanté lors de la cérémonie funéraire dédiée à B.B. King, comme il l’avait fait pour de nombreux artistes auparavant, Otis Clay est décédé, d’une crise cardiaque, le 8 janvier. Bien que le succès commercial lui ait largement échappé, il faisait partie des voix majeures de la soul, reconnue aussi bien des amateurs du monde entier que des autres musiciens.

Né le 11 février 1942 à Waxhaw, une petite communauté au cœur du Delta du Mississippi, c’est sans surprise dans le monde du gospel qu’il fait ses débuts musicaux, se produisant avec différents groupes locaux. Installé à Chicago en 1957, il continue à fréquenter principalement le circuit gospel. Après une tentative séculière infructueuse en 1962 – les quatre titres enregistrés pour Columbia restent inédits –, il fait ses débuts sur disque en 1964 pour Nashboro, au sein des Gospel Songbirds, avant de se lancer en solo alors pour un label de Chicago, One-Derful!, pour lequel il publie en 1965 un premier 45-tours, la sublime ballade deep soul Flame in your heart. Jusqu’à la disparition du label en 1968, il y enregistre une série de disques uniformément réussis. That´s how it is (When you´re in love), en 1967, lui permet d’entrer pour la première fois dans le classement R&B de Billboard.

 


© DR / Collection Sebastian Danchin

 

Lorsque One-Derful! ferme ses portes, son contrat est racheté par Atlantic, qui le place sur son nouveau label, Cotillion. Sa reprise de She’s about a mover, empruntée au Sir Douglas Quintet, fait une apparition symbolique – à la 97e place ! – dans le Hot 100. Malgré leur qualité, aucun des trois autres disques de Clay pour le label, enregistrés aux studios Fame, ne rencontre le succès.

Producteur de son dernier disque pour Cotillion, Willie Mitchell le recrute chez Hi en 1971. C’est là qu’il décroche son plus gros hit, l’irrésistible Trying to live my life without you, qui lui permet d’apparaître dans l’émission Soul Train et devient le titre de son premier album, en 1972. Peut-être frustré par la place croissante occupée par Al Green, il quitte le label vers 1974 (même si un album paraît en 1977) et enregistre deux 45-tours pour de petites marques (dont son propre label, Echo, qu’il réactivera régulièrement lors des décennies suivantes) avant de signer avec l’empire T.K. Records d’Henry Stone, pour lequel ses disques paraissent sous l’étiquette Glades puis Kayvette. C’est pour cette dernière marque qu’il décroche son dernier titre classé, avec All because of your love en 1977.

 

 

Entre-temps, Otis Clay s’est découvert un public fervent au Japon, et c’est là-bas qu’il enregistre un premier album live qui paraît en 1978 sur la marque locale Victor, suivi quatre ans plus tard d’un album studio “The Only Way Is Up” (qui ne sera publié ailleurs qu’en 1989, sur Waylo) et d’un deuxième album en public, “Live Again!”, qui paraît sur Yupiteru en 1984 et est repris dès l’année suivant par Rooster (aux États-Unis) et Blue Sting (en Europe) sous le titre “Soul Man: Live In Japan”.

 


4 novembre 1989, Paradisio, Amsterdam © Olivier Carton

 


11 octobre 1990 © Brian Smith

 


New Orleans Jazz & Heritage Festival 1992 © Jacques Périn

 

Aux États-Unis, Clay continue à publier des singles, essentiellement sur son propre label Echo, sans que son succès dépasse Chicago. La réussite lui passe d’ailleurs à côté à plusieurs reprises, quand il néglige Cheating in the next room, que George Jackson lui a offert en priorité et qui permet à Z.Z. Hill de décrocher en 1982 un succès qui relancera sa carrière, et quand le groupe Yazz obtient en 1988 un immense tube – cinq semaines au sommet du classement en Grande-Bretagne – avec The only way is up, une autre composition de George Jackson qu’il avait enregistrée dès 1980. Après une réunion peu convaincante avec Willie Mitchell (“Watch Me Now” en 1989), Clay revient à un son soul plus classique, enregistrant deux albums très réussis pour Bullseye Blues, “I’ll Treat You Right” en 1992 et “This Time Around” (produit par Mitchell) en 1998, ainsi qu’un disque gospel pour Blind Pig en 1993 (“The Gospel Truth”).

 


Chicago Gospel Festival 2007 © Brigitte Charvolin

 


Lonnie Brooks, Ronnie Baker Brooks, Otis Clay, Jimmy Johnson, Chicago Blues Festival 2008 © Brigitte Charvolin

 


Cognac Blues Passions 2006 © Brigitte Charvolin

 

Au tournant des années 2000, Otis Clay prend l’habitude de rendre visite régulièrement à ses admirateurs européens, avec notamment une résidence au Méridien en 2003 et une prestation extraordinaire – devant un public douché par un terrible orage – au festival de Cognac en 2006. Un superbe album, “Respect Yourself”, enregistré à Lucerne, témoigne de l’intensité de ses prestations de l’époque. Très actif au sein de la communauté musicale de Chicago, il continue à publier régulièrement de nouveau disques, parmi lesquels des collaborations très réussies avec Billy Price et Johnny Rawls. Sa dernière venue en France remonte à l’été 2015, au festival de Cognac.

Frédéric Adrian

 


Chicago Blues Festival 2013 © Brigitte Charvolin

 



Chicago Gospel Festival 2007 © Brigitte Charvolin

 


Lucerne 2014 © Gérard Doidy