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Live reports / 21.05.2024

Shabaka, New Morning, Paris, 2024

6 mai 2024.

Évènement rue des Petites Écuries : pour la première fois depuis sa décision de dissoudre ses différents groupes et de renoncer à jouer du saxophone, Shabaka Hutchings se présentait sur une scène française afin de jouer le répertoire de son dernier album, “Perceive Its Beauty, Acknowledge Its Grace”, paru trois semaines plus tôt. Le concert affiche complet depuis longtemps, et le New Morning est rempli d’un public attentif et concentré. 

Difficile de savoir à quoi s’attendre : avec ce nouveau disque, Hutchings s’éloignait radicalement des choix artistiques de ses projets précédents, et il n’était pas raisonnable d’imaginer qu’il se présente avec les musiciens qui l’accompagnent sur celui-ci – Jason Moran, Brandee Younger, Nduduzo Makhathini, André 3000, Esperanza Spalding, entre autres. 

C’est donc dans une configuration originale qu’il se produit ce soir : pas de cuivres, pas de rythmique, pas de guitare, mais deux harpistes, Miriam Adefris, collaboratrice notamment de Floating Points, et Alina Bzhezhinska, vue l’été dernier au Parc Floral avec le saxophoniste Tony Kofi, le pianiste Elliott Galvin et la spécialiste des synthétiseurs Hinako Omori. Aucun d’entre eux n’apparaît sur le disque (même si Bzhezhinska est présente sur un titre du EP qui l’a précédé, “Afrikan Culture”, dont Hutchings explique pendant le concert qu’il ne s’agit pas vraiment d’un EP mais d’un mini-album, sans que la nuance ne soit très claire !), mais c’est bien le répertoire de celui-ci qui occupe la majorité du concert, qui commence par As the planets and the stars collapse

Il faut attendre plusieurs titres enchaînés sans transition et une bonne demi-heure avant que Hutchings prenne la parole pour présenter les musiciens et remercier le public de la qualité de son ouverture d’esprit et de l’énergie qu’il lui envoie. De fait, j’ai rarement entendu au New Morning, qui plus est en configuration totalement debout, une telle qualité d’écoute. Même les téléphones portables levés se font rare afin de mieux entrer dans l’univers musical de l’artiste, qui utilise différentes flûtes selon les morceaux et passe même à la clarinette et à la clarinette basse pour Black meditation, un titre issu d’“Afrikan Culture” qu’il termine seul.

Relativement concentré sur disque, chaque morceau (dont un qui ne semble pas apparaître encore sur disque, intitulé sur la setlist The forest in the dream) fait en effet ici l’objet de développements créatifs amples, auxquels sont associés ses accompagnateurs. Loin de la fureur qui caractérisait les productions précédentes de Hutchings (en dehors d’un passage free au cours duquel il s’empare de maracas !), c’est un registre apaisé qu’il propose désormais – il insistera d’ailleurs à plusieurs reprises sur la question de l’énergie dans sa pratique musicale –, comme l’illustrent les deux pièces, peut-être improvisées, qu’il joue seul en rappel. Au vu des réactions du public, il est probable que ses admirateurs soient prêts à le suivre dans ce nouveau chemin.

Texte : Frédéric Adrian
Photo © DR

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