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Chroniques / 11.10.2024

Soba, Fiman

Formé il y a cinq ans par le chanteur-guitariste burkinabé Moussa Koita, l’harmoniciste français Vincent Bucher et le batteur congolais Émile Biayenda, le trio Soba (“grande maison commune” en langue dioula) propose de nouvelles noces entre les musiques ouest-africaines de l’aire mandingue et un blues ou un folk blues de forme stylisée. 

D’autres se sont prêtés à des croisements comparables depuis la vague des musiques du monde (pensons aux rencontres du guitariste songhaï Ali Farka ­Touré avec Taj Mahal ou Ry Cooder) et l’on a parlé par ailleurs d’afro-blues, de desert blues, etc. Mais laissons les questions d’étiquettes, qu’on ne tranchera pas de sitôt, sans même aborder celle des liens du blues avec l’Afrique, autrement plus complexe, et relevons que Vincent Bucher parle avant tout de cousinages musicaux. Koita, ­Biayenda et lui savent en tout cas conjuguer leurs expériences individuelles autour du “bois commun” qu’est le matériau blues, chacun trouvant sa position vis-à-vis des autres selon le tempo, la mélodie et les sonorités recherchées.

Quand un climat très africain donne le ton avec parties de guitare et percussions fluides (Faso den), l’harmonica se fait inventif, stimulant, et joue librement avec les choristes (par instants, on pense même curieusement au bembeya jazz guinéen d’antan). Dans Deme, dont le thème est l’entraide, la voix douce-âpre de Koita rappelle un peu celle de Robert Pete Williams, bluesman “libre” s’il en fut, sur un tempo moyen dont l’harmonica tire parti en changeant de registre avec un subtil sens mélodique. Sur ­Horonke, où le trio adopte un rythme de quasi-shuffle, le chanteur est de nouveau épaulé avec finesse par ­Bucher qui se lance ensuite dans un solo prenant et audacieux. Le rapide Politiki magni, qui cible les autocraties politiques, met en valeur le ­drumming de Biayenda, simple et sans concession. Une entente à saluer.

Philippe Bas-Rabérin

Note : ★★★★½
Label : MDC
Sortie : 11 octobre 2024