Cela n’est pas exactement un scoop : les faces gravées au cœur des années 1960 par Solomon Burke pour Atlantic font partie des œuvres fondatrices de la soul, Burke jouant même un rôle pionnier dans la formation de l’idiome par son intégration d’un répertoire issu de la musique country, qui précède de plusieurs mois la démarche identique de Ray Charles. Même si tout ici a déjà été réédité à plusieurs reprises, le regroupement de ces enregistrements dans un seul coffret de 3 CD – qui plus est à un prix raisonnable et avec un livret qualitatif qui reprend les détails discographiques – fait figure d’événement. 

À l’exception du dernier, “I Wish I Knew”, la plupart des albums de l’époque étant essentiellement composés d’un assemblage plus ou moins cohérent de faces déjà parues en single, le compilateur a pris l’option de présenter la musique dans l’ordre chronologique des séances d’enregistrements. Cela permet de suivre l’évolution du style de Burke, parallèle à l’invention progressive de la soul à partir du R&B des années précédentes. Dans les premières faces, enregistrées entre 1959 et 1963, Burke, dont la personnalité vocale est d’ores et déjà largement formée, semble souvent lutter contre des arrangements encore nourris des affèteries venues de la variété – cordes, chœurs angéliques, instrumentation incongrue – mais sa voix prend peu à peu la place principale alors que l’accompagnement se dépouille. 

Paru en 1968, “I Wish I Knew”, premier disque “sudiste” de Burke, confirme la pertinence de cette approche et est le couronnement de son séjour chez Atlantic, dont il marque aussi la fin. Une belle occasion de réviser l’œuvre d’un des créateurs majeurs des musiques que nous aimons, dix ans après sa disparition.

Frédéric Adrian

Note : ★★★★★ (Le Pied !)
Label : SoulMusic
Sortie : 14 août 2020