D’Wayne Wiggins (1961-2025)
10.03.2025
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Originaire de Mount Olive, dans le Mississippi, c’est sur la scène de St. Petersburg, en Floride, que Sterling Magee (parfois écrit McGee) se fait remarquer à partir de la fin des années 1950, gagnant le surnom de Five Finger Magee dans les clubs locaux pour ses prouesses à la guitare. Installé à New York dans les années 1960, il joue dans les orchestres de King Curtis et Noble “Thin Man” Watts, avec qui il accompagne sur scène les stars du moment, parmi lesquelles Little Anthony &The Imperials, Etta James, and Marvin Gaye.
S’il grave quelques singles sous son nom au cours des années 1960 – pour Sylvia, Tangerine et ABC –, il préfère ensuite se concentrer sur le travail d’accompagnateur, au sein du Harlem Underground, un ensemble all stars auquel contribuent notamment les vétérans Buddy Lucas, Dave Cortez, Willis Jackson et un “jeune talent” émergent, George Benson. Le groupe grave deux albums instrumentaux sous son nom, accompagne Willis “Gator Tail” Jackson sur deux de ses disques personnels et sert de house band au label éponyme lancé par le vétéran Paul Winley, qui surfe alors sur la vague naissante du hip-hop avec des artistes comme Afrika Bambaataa et les filles du patron, Paulette & Tanya Winley, dont le Rhymin’ & rappin’ est considéré comme un classique old school.
À la fin des années 1970, cependant, Magee décide de changer de vie et de nom. Devenu “Satan”, il commence à se produire en one-man band ou avec ceux qu’il décrira ensuite comme ses « amis pochtrons » dans les rues de New York, bien souvent sur la 125e rue, devant les bureaux de la New York Telephone Company. C’est au coin de la 114e rue et de Broadway qu’un jeune diplômé de l’université de Princeton, Adam Gussow, l’entend pour la première fois au début des années 1980. Musicien amateur, Gussow joue occasionnellement dans les rues de New York, et les deux hommes sympathisent quelques années plus tard et commencent à se produire en duo, sous le nom accrocheur de Satan & Adam. Le hasard leur fait croiser la route des membres du groupe U2, et quelques secondes de la musique du duo – créditée à Sterling Magee – apparaît sur l’album à succès “Rattle and Hum” ainsi que dans le documentaire qui l’accompagne. Malgré cette visibilité supplémentaire, Satan & Adam continuent à se produire essentiellement dans la rue jusqu’au début des années 1990.
Un premier album, “Harlem Blues”, fait son apparition en 1991 sur Flying Fish, suivi deux ans plus tard par “Mother Mojo”. Le duo commence à tourner un peu partout aux États-Unis et en Europe et fait la couverture de Living Blues en 1996, parallèlement à la sortie de l’album “Living On The River”. L’aventure s’arrête cependant à la fin de la décennie suite à des problèmes de santé de Magee, et Gussow, devenu professeur à l’université du Mississippi, perd la trace de son partenaire, qui est retourné vivre en Floride. Au milieu des années 2000, le duo se reforme pour quelques concerts, et Gussow publie en 2008 sur son propre label une série de titres inédits datant du début de l’aventure, “Word on the Street: Harlem Recordings, 1989”, puis un vrai nouvel album, “Back In The Game” trois ans plus tard.
Longuement évoquée dans les ouvrages autobiographiques de Gussow Journeyman’s Road: Modern Blues Lives from Faulkner’s Mississippi to Post-9/11 New York et Mister Satan’s Apprentice, l’histoire du duo, un peu oublié de nos jours, a fait l’objet en 2018 d’un documentaire bien accueilli, Satan & Adam, réalisé par V. Scott Balcerek.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © DR