Mereba, The Breeze Grew A Fire
07.03.2025
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La qualité d’une biographie se jauge déjà par le choix de son sujet. Celui de Sylvia Robinson se révèle gagnant. Personnalité complexe et méconnue ayant alterné réussites fracassantes et échecs retentissants, la New-Yorkaise (1935-2011) a traversé l’histoire de la musique noire-américaine en y exerçant à peu près toutes les fonctions : chanteuse-guitariste aux côtés de Mickey Baker de 1955 à 1965 (leur single Love is strange se vendit à plus d’un million d’exemplaires), songwriter (le fameux tube proto-disco Shame, shame, shame, interprété par Shirley & Company’s en 1974, c’était elle), artiste solo (convaincue, malgré l’opinion négative d’Al Green, du potentiel commercial de sa chanson Pillow talk, elle entreprit de la chanter elle-même, obtenant un n°1 R&B en même temps qu’un hit crossover en or massif), PDG de labels avec son mari Joseph (All Platinum, consacré à la soul ou Sugar Hill Records, qui édita l’un des morceaux fondateurs du hip-hop naissant, Rapper’s delight). Ultime fait d’armes en 1982 : la publication de The message par Grand Master Flash, l’un des premiers raps à consonances sociales.
Dans un style alerte et imagé, l’auteur, empathique mais jamais complaisant, dissèque avec minutie les failles et controverses qui entourèrent la vie de cette femme courageuse, indépendante et au caractère bien trempé : sa naïveté (elle se fit rouler dans la farine par Ike Turner), ses carences de gestionnaire (elle fit plusieurs fois faillite), ses forfaitures (les accusations de plagiat, dont la plus célèbre, dégainée par Nile Rodgers, fut réglée à l’amiable). Après le faste du début des années 1980, la chute sera brutale : dépôts de bilan, procès, problèmes familiaux… Et ce succès qui s’éloigne définitivement, jusqu’à l’incendie tragique des locaux de Sugar Hill, faisant partir en fumée 90 % de “décennies de travail et d’histoire”…
Ulrick Parfum
• Sylvia Robinson, Godmother of Hip-Hop
Par Real Muzul. Le Mot Et Le Reste, 280 pages, 23 €.