Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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12 novembre 2022.
Il est 19h10 lorsque les douze musiciens prennent possession d’une scène qu’ils vont littéralement illuminer de leur talent pendant près de 2h30 et ne quitteront que l’espace d’un court entracte. Le premier set reprend l’intégralité du volume (“Crescent”) du dernier opus du groupe, mettant tour à tour en valeur, outre les deux leaders, Gabe Dixon, tout aussi excellent aux claviers qu’au chant (Hear my dear) et l’historique et incontournable Mike Mattison (Fall in).
Plutôt discrète et en retenue dans sa communication avec le public, Susan Tedeschi livre surtout une performance vocale de premier plan quand Derek Trucks brille dans son rôle de chef d’orchestre, distribuant les chorus ou indiquant d’un discret hochement de tête les reprises et les fins. Évidemment, chacun de ses solos déclenche les applaudissements nourris d’une assemblée aux anges qui va subir la première onde de choc de la soirée. Délaissant son iconique Gibson SG qu’il troque temporairement pour une rutilante ES335, Trucks lance l’introduction de Pasaquan, hallucinant instrumental de près de douze minutes, marqué par un chorus stratosphérique du remarquable duo que représentent les batteurs Tyler Greenwell et Isaac Eady. On ne peut alors s’empêcher de penser qu’avec ce véritable tour de force, Derek Trucks tient son In memory of Elizabeth Reed (Allman Brothers). Les plus habituels Just won’t burn et Made up mind viennent conclure une première partie de très haut vol.
Le deuxième temps, lui, est essentiellement dominé par des titres puisés dans les volumes II (Ain’t that something, La di da) et III (Yes we will, Gravity) du projet monumental qu’est “I Am The Moon”, mais, également, par des reprises empruntées aux répertoires de l’incontournable référence Derek & The Dominoes (somptueux Bell Bottom blues suivi de Why does love got to be so sad?), de Dr. John (I walk on guilded splinters) et Joe Tex pour le rappel (Show me). Quelques mesures peut-être un peu superflues de l’insurpassable Soul sacrifice de Santana viennent également conclure I want more.
À l’image de Pasaquan durant la première heure et demie du concert, c’est ici Gravity qui fait office d’onde de choc. Sur un beat néo-orléanais à souhait, Gabe Dixon brille une nouvelle fois vocalement, le final étant laissé à la guitare de Trucks dans un solo époustouflant de maîtrise et d’inspiration. Bien sûr, on pourra toujours gloser sur la répétition des longs développements instrumentaux, sur l’étonnamment faible exposition de l’excellente choriste Alecia Chakour ou d’un emploi peut-être parfois trop répété des moments de tension-détente dont le jam band use et parfois abuse, mais, au moment où les lumières se rallument sur un Trianon véritablement envoûté, les superlatifs s’accumulent pour décrire la prestation magistrale d’un groupe majeur au sommet de son art !
Texte : Nicolas Deshayes
Photos © Frédéric Ragot