Fantastic Negrito, Son Of A Broken Man
13.12.2024
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Qu’est-ce que la soul, sinon l’expression musicale la plus aboutie de la catharsis amoureuse ? Un concentré de passion, de fièvre et de tourments concocté par des artistes qui subliment nos émotions, amplifient nos joies et purgent nos peines.
Si les œuvres d’O.V. Wright, James Carr ou Candi Staton nous sont devenues indispensables, c’est parce qu’elles nous aident à être plus heureux quand tout va bien et à ne pas sombrer quand tout va mal. À nous sentir moins seuls. À vivre un peu plus intensément. À supporter la nuit. La soul est une amie. Un baume. Un poème auquel les Teskey Brothers viennent d’ajouter quelques merveilleuses strophes. Leurs premiers albums nous avaient plu, mais restaient empreints d‘un conservatisme qui en atténuait la puissance. Rien de tel ici…
Comment expliquer pareille transformation ? Par la production libératrice d’Eric Dubowsky (Chemical Brothers, Weezer) ? Par le recours à un nouveau studio ? Par les expériences de vie accumulées au gré de centaines de concerts donnés dans le monde entier ? Peu importe. Seuls les sentiments comptent et il est impossible d’entrer dans ce nouvel album sans en ressortir bouleversé. Dès les premières notes de I’m leaving, variation désespérée sur le thème du départ contraint, on se retrouve enseveli sous une avalanche de spleen. Il y a tout dans ce titre : la certitude mélancolique des paroles, les coups de gorge à la Otis Redding, la douceur feutrée des cuivres.
Et que dire des harmonies aveuglantes de beauté d’Oceans of emotions, des arpèges délicats de Take my heart (ah, ce second accord mineur, toute en élégance blessée…), des tourbillons de saxophones, de trompettes et de chœurs de London bridge, des embardées gothiques de Blind without you… Il faudrait tout citer, jusqu’au morceau final, What will be, ébouriffant gospel de plus de sept minutes durant lequel le groupe, toutes voix dehors, finit par terrasser l’auditeur.
Ulrick Parfum
Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Decca
Sortie : 16 juin 2023