Carnet de voyage : Tennessee, octobre 2024
20.12.2024
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23 novembre 2022.
Après en avoir présenté le répertoire sur les scènes de quelques festivals cet été, la sortie de “Memphis Made”, son nouvel album à nouveau réalisé avec des musiciens français sous la houlette de Sebastian Danchin (cf. Soul Bag 249), donne à Toni Green le prétexte d’une nouvelle tournée française et d’un passage à Paris qui est le premier depuis la fin du partenariat avec Malted Milk.
Le New Morning prend un peu de temps pour se remplir, mais c’est un copieux public qui est en place pour accueillir les musiciens : ceux de l’album (Benoît Sourisse aux claviers et à la direction de l’ensemble, Thomas Planque à la basse, Paul Héroux à la batterie) avec Eddy Leclerc à la guitare à la place de Hervé Samb (qui se consacre à ses projets personnels), renforcés par une section de cuivres composée de musiciens habitués de la scène soul et blues française, avec Nadège Dumas au saxophone, Pierre-Marie Humeau à la trompette et Vincent Aubert au trombone, les deux derniers ayant participé au disque avec Malted Milk.
Le temps d’un instrumental bien emmené – chacune des interventions de Benoît Sourisse est un régal, tout au long du concert –, et Toni Green débarque sur scène. Il est clair dès les premières secondes que la chanteuse n’est pas au sommet de sa forme, ni vocalement ni physiquement – elle se plaindra de ses sinus et demandera un mouchoir pendant le concert – et, sur les premiers morceaux, elle semble assez évidemment peiner, d’autant qu’elle doit lire les textes de ses nouvelles chansons sur une tablette posée à côté de son micro. Mais Toni Green n’est pas du genre à se laisser aller : après une première demi-heure assez poussive, où elle semble en pilotage automatique, elle réussit à se surpasser. À partir de I got a man, au cours de laquelle elle sonde la salle pour essayer d’identifier les « good men » avec des résultats plutôt mitigés, elle commence à prendre sa pleine mesure. Le dansant Roller coaster love fait se lever le public, tandis que la chanson des Beatles Why don’t we do it in the road? lui donne l’occasion de déployer ses talents comiques en proposant une liste des endroits où “le”faire qui s’éloigne du texte pas obligatoirement mémorable de l’original.
Surprise : si Toni Green quitte ensuite brièvement la scène, il n’y a pas d’entracte, et l’orchestre assure l’interlude avec une belle version instrumentale bien arrangée de Messin’ with the kid qui permet à chaque musicien de briller. La pause a été bénéfique. Effet de son professionnalisme ou de l’enthousiasme du public, c’est une Toni Green métamorphosée – et pas seulement parce qu’elle a changé de robe – qui débarque ensuite pour une série de reprises qu’elle aborde en more “haute tension” : I’ll take you there des Staple Singers, I can’t turn you loose, Nutbush city limits et Respect, qu’elle attribue à Aretha Franklin dont elle rappelle qu’elle est comme elle native de Memphis. Fini les hésitations du début du concert, Green attaque chacun de ces titres avec un appétit féroce et une envie de chanter qui fait oublier qu’il s’agit de chansons sans doute trop entendues, avant de finir sur un morceau que je n’ai pas reconnu.
À peine le temps de respirer et de la rappeler que la tornade est de retour sur scène pour une interprétation à la Aretha de Bridge over troubled water avant le grand moment de la soirée : une version à l’émotion poignante de No ways tired, le classique gospel dont Fontella Bass avait donné une lecture mémorable et qui clôt l’album “Memphis Made”. Elle introduit la chanson en évoquant avec humour le souvenir de sa mère qui l’emmenait malgré son peu d’enthousiasme à la messe chaque dimanche avant de commencer à chanter. Elle se laisse peu à peu emporter – et nous avec elle – par l’intensité du morceau et finit par fondre en larmes tandis que les musiciens continuent à jouer – un très beau passage avec les cuivres, d’ailleurs. Elle finira par se reprendre pour conclure en beauté le concert sur Indeniable, une des plus belles chansons du nouveau disque à laquelle elle semble fortement s’identifier, qui lui donne l’occasion de descendre de scène pour aller serrer la main de spectateurs absolument ravis.
Accompagnée d’un orchestre sans faiblesses, Toni Green nous a donné une leçon sur ce qu’est un véritable artiste, sur ce que cela représente d’implication et d’exigence. Elle sera de retour sur les routes de France dans les prochains mois, et sans doute dans les festivals de cet été, et il ne serait pas raisonnable de passer à côté.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © JM Rock’n’Blues
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