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Chroniques / 28.09.2018

Tony Joe White, “Bad Mouthin’”

Le nouveau disque de Tony Joe White tranche avec les précédents. À 75 ans, le vieux renard des marais plonge sans fard dans l’art de ceux qui l’ont inspiré, notamment le Texan Lightnin’ Hopkins qui le hante depuis ses débuts. Aucun album de White ne sonne aussi blues, aussi rural, que ce “Bad Mouthin’” – pas même le remarquable “The Beginning”, enregistré en solo en 2001 et dont le Rich woman bluesfait ici l’objet d’une nouvelle version.

Avec son harmonica et sa guitare acoustique, White revisite les classiques de Big Joe Williams (Baby please don’t go) ou Jimmy Reed (Big boss man), ses propres titres qui s’y prêtent le mieux (Stockholm blues, Cool town woman ou deux de ses toutes premières faces, les rares Bad mouthin’ et Sundown blues, gravés à l’origine au milieu des années 1960) et même une version sépulcrale de Heartbreak hotel (Elvis Presley) qui pourrait être l’œuvre de John Lee Hooker. Lorsqu’il branche l’électricité, c’est pour s’immerger au plus profond du blues en suivant les cauchemars de Hopkins (Bad dreamsAwful dreams) ou pour nous inviter à des déhanchements lascifs sur la route de Charley Patton (Down the dirt road blues) et de Hooker (Boom boom, en plus sensuel encore que sur l’album “Tony Joe” de 1970).

Alors, bien sûr, sur le papier, le répertoire ne surprend guère. Mais peu d’artistes de nos jours l’habiteraient avec autant d’intensité que Tony Joe. Portée par le souffle libérateur de l’harmonica, ancrée par les pulsations du pied ou de la batterie, la musique à ras de terre souligne la profondeur d’une voix qui colle des frissons. Une musique organique, fiévreuse, viscérale, à écouter au cœur de la nuit près de la chaleur d’un feu.

Éric Doidy

Note : ★★★★1/2
Label : Yep Roc YEP-2593 / Bertus
Sortie : 28 septembre 2018

tonyjoewhite.com


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