Mereba, The Breeze Grew A Fire
07.03.2025
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Commencée sur le tard, la carrière discographique de Toronzo Cannon s’enrichit d’un nouvel opus qui agrège toutes les qualités d’un artiste devenu, après deux solides albums chez Delmark, l’un des fers de lance du label Alligator.
L’acuité de ses textes constitue l’un de ses atouts majeurs, rappelant que le blues est avant tout un art chanté délivrant un point de vue original sur la vie, les rapports amoureux ou la société. Cannon est un conteur, un commentateur de son temps, d’autant plus convaincant qu’il s’exprime avec un engagement total. Son timbre grave, son élocution claire et bien posée et son énergie déclamatoire traduisent une volonté de convaincre qui captivent l’auditeur dès le premier morceau, l’accrocheur et funky Can’t fix the world.
Son jeu de guitare puissant et onctueux propose une synthèse séduisante et personnelle des trois King (les tirés virevoltants d’Albert, l’élégance de B.B., la violence de Freddie) et, par endroits, de Jimi Hendrix (la chanson-titre, hommage explicite à Machine gun, phaser Univibe, saturation grondante et bourdons de cordes à vide compris). La finesse de ses accompagnateurs contribue également à la réussite du disque, notamment Cole DeGenova dont les claviers (piano, orgue, clavinet) offrent de délicieux contrepoints aux bourrasques électriques du patron, ainsi que la paire rythmique (Brian Quinn à la basse, Jason “Jroc” Edwards à la batterie), souvent sollicitée à Chicago pour son punch et sa souplesse. On apprécie aussi les licks d’harmonica de Matthew Skoller sur le drolatique blues acoustique My woman loves me too much.
Maîtrisé d’un bout à l’autre, excitant et varié, conjuguant tradition et modernité, “Shut Up & Play!” est un excellent recueil de blues électrique, comme on n’en fait malheureusement plus beaucoup de nos jours.
Ulrick Parfum
Note : ★★★★
Label : Alligator
Sortie : 7 juin 2024