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Live reports / 13.09.2016

TRIBUTE TO FELA

Bien installé à la fin de l’été, le festival Jazz à la Villette semble avoir désormais trouvé sa vitesse de croisière, avec une programmation originale mêlant figures historiques, artistes confirmés et découvertes qui n’hésite pas à explorer le large spectre des musiques populaires afro-américaines et à proposer des projets inédits, comme cet hommage à Fela.

Si l’idée n’est pas follement originale – un précédent hommage, plutôt calamiteux, avait été orchestré par Questlove au même endroit en 2011 –, la réalisation est cette fois-ci très convaincante. En première partie, c’est Vaudou Game, emmené par son charismatique chanteur-guitariste Peter Solo, qui proposait une brève tranche de son “vaudou funk”. Le deuxième album sortant le jour-même, c’est ce nouveau répertoire que joue le groupe ce soir, se contentant de finir sur son tube Pas contente. Le choix de morceaux inconnus n’empêche pas le groupe, rodé par de longues tournées, d’emporter le public, même si on peut regretter le côté un peu trop léché du show, avec des accompagnateurs bien en retrait de leur leader, au détriment d’une part de folie un peu manquante…

Pas d’inquiétude de ce côté avec Egypt 80, l’orchestre de Seun Kuti qui lui succède et qui comprend encore dans ses rangs des musiciens ayant accompagné son illustre père : avec ses quatorze musiciens et ses deux choristes (depuis quand n’avez-vous pas vu un musicien de blues ou de soul accompagné d’un tel ensemble ?), Egypt 80 est une formidable machine à groove, dont la puissance n’est que renforcée lorsqu’il est rejoint à la batterie par l’historique Tony Allen. Quant à Seun Kuti, le plus fidèle à la lettre paternelle des enfants de Fela, s’il n’a pas tout à fait l’intensité de son père – en particulier au saxophone –, il assure avec élégance et implication le rôle de leader, dirigeant de la main l’orchestre, chantant et communiquant avec humour et efficacité avec le public. Ce soir, le répertoire emprunte quasi exclusivement aux compositions de Fela (en dehors de deux morceaux, en fin de concert, extraits de l’album à venir de Seun Kuti), avec même l’interprétation d’un titre resté inédit jusqu’ici, Country of pain. Mais la spécificité de la soirée était la présence d’invités venus d’horizons très différents et qui tous se sont montrés à la hauteur de l’enjeu, confirmant la portée universelle de la musique de Fela. Premières à faire leur apparition, les jumelles d’Ibeyi apportent leur fraîcheur vocale à Opposite people. Talib Kweli n’a aucune difficulté à poser son flow sur les polyrythmies complexes de l’afrobeat, mais déclinera prudemment la proposition d’un battle de danse que lui fait Seun Kuti. Le brésilien Carlinhos Brown, lui, met à juste titre l’accent sur la dimension politique de l’univers de Fela.

Au bout de deux heures, alors que Seun Kuti quitte la scène après avoir fait allusion à une « grosse surprise », les lumières se rallument… On plaint sincèrement ceux qui ont considéré qu’il était alors temps de quitter les lieux : des techniciens arrivent pour installer un nouvel orchestre, qui se met rapidement en place. Sans introduction – qui aurait été superflue, vue la réaction immédiate du public, c’est alors Lauryn Hill qui déboule ! Rejointe par Seun Kuti puis par différents membres d’Egypt 80, elle donne deux titres – que je n’ai pas identifié – qui permettent de confirmer que, malgré les rumeurs et incidents qui ont émaillés ces dernières années, elle a gardé intacts son flow, sa voix et sa présence magnétique. Malgré la brièveté de sa prestation – une grosse dizaine de minutes –, elle a constitué le sommet d’une soirée très réussie, à la hauteur de son inspirateur.

Frédéric Adrian