Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
;
15 avril 2023
Huit ans après leur dernier passage à Tremblay, Bourbon Street y revenait en version duo augmenté. Les deux guitaristes complémentaires, Cyril Menet et Eric Vacherat, étant rejoints par l’harmoniciste Richard Plaut. C’est Eric, alias Catfish Slim, qui fait office de M.C., présentant et commentant avec verve le répertoire.
Bourbon Street connaît le blues par les racines et rend hommage à Blind Willie Johnson (Keep your lamp trimmed and burnin’), Tampa Red (Seminole blues), Willie Brown ou Eddie Burns. Mais ses compositions, issues de leur « nouveau 33-tours », tiennent la route comme Down in New Orleans ou I’ll find my way en hommage au duo Johnny Shines-Robert Jr. Lockwood.
Si Cyril Menet aligne trois guitares, ce n’est pas pour la frime, chacune (acoustique, électrique, dobro) correspond au climat recherché, un climat exacerbé par sa maîtrise du bottleneck. Outre le chant, Eric Vacherat assure généralement la rythmique avec sa Gibson amplifiée, en s’autorisant quelques envolées bienvenues. L’harmonica de Richard Plaut (vu auprès d’Elmore D – une référence !) apporte son ancrage blues et sa virtuosité, jamais gratuite. Au diapason d’une formation que trente ans de carrière et six albums n’ont pas blasée.
Trois femmes sur le devant de la scène, ce n’est pas courant, surtout dans le domaine du blues. C’est la claviériste-chanteuse serbe Katarina Pejak qui se présente d’abord seule, avant d’être rejointe par le groupe mené par Laura Chavez (avec Tomek Gehrman à la basse et Denis Palatin aux drums) pour trois titres balançant entre jazz, blues et soul, et dérivant de son album “Roads That Cross”. Avant que la flamboyante Whitney Say entre en scène pour une bonne heure d’un show à haute valeur énergétique.
Elle arpente la scène en tous sens, danse, s’exprime avec son corps comme avec sa voix, avec une autorité et une aisance qui ont raison de nos dernières réserves. Ses reprises impressionnent, du Tell the truth (Ray Charles/Otis Redding) à Won’t be long (Aretha) ou le décoiffant Get down with it de et à la manière de Little Richard. Elle puise aussi dans ses deux derniers albums, choisissant les thèmes les plus convaincants, comme les ironiques PS it’s not about you et Boy, sit down ou A woman rules the world, point d’orgue de concert, une ballade dévoilant l’étendue de son talent vocal et permettant à Laura Chavez de construire un fabuleux solo laissant monter la tension.
Tout au long du set, Laura Chavez aura capté l’attention, arrêté le temps, sidéré par sa capacité à bâtir des solos aussi malins qu’excitants. Alors, même si sa guitare avait parfois tendance à se faire hégémonique, au détriment du clavier par exemple, il lui sera beaucoup pardonné, car elle sans doute la guitariste la plus intéressante du circuit. Sans restriction de genre !
Ainsi s’est clôt la saison 2022-2023 à l’Odéon, mais on nous promet une saison 2023-2024 aussi riche et surprenante.
Texte : Jacques Périn
Photos © Miss Béa